« Une aide inattendue »

J’avais passé une journée pourrie en mer, j’étais crevé et ne rêvais que d’une chose : dormir. Mon métier me passionnait réellement mais il était devenu ardu d’en vivre désormais. Les poissons manquaient à l’appel ou alors, il fallait faire avec la pollution ou les aléas de la météo. Cette semaine, je n’avais pas pu vendre grand-chose mais j’espérais réellement que les choses s’amélioraient surtout que les factures commençaient à s’entasser. Sans la clinique de ma sœur Maddy, je vivrai moyennement grâce à ma pension de militaire mais cette dernière passait dans les frais médicaux de ma petite sœur sans parler des frais annexes. De temps en temps, j’arrivais à trouver des missions ou des petits boulots dans le port mais les temps étaient rudes pour tout le monde. Des cris résonnèrent à mes oreilles et j’attrapais aussitôt mon oreiller pour me le coller contre l’oreille. Je me foutais de savoir qui étaient les ivrognes qui beuglaient pour une histoire dont je comprenais que quelques brides. Il y avait du avoir un match et le bar se désemplissait de ses alcooliques ou sportifs du dimanche. Le silence ne se faisait toujours pas et je me décidais à sortir, quitte à passer mes nerfs sur le premier venu quand j’entendis distinctement le bruit d’une chute dans l’eau. « Hey c’est quoi ce bordel ? Vous allez me foutre le camp avant que je décide de repeindre la coque de mon bateau avec votre cervelle atrophiée » gueulais-je aux ivrognes tout en montrant le fusil à pompe que j’avais pris soin d’embarquer avec moi. Bien entendu, je me dis copieusement insulté mais je m’en foutais comme de ma première chaussette surtout qu’ils finirent par déguerpir. « Toi là ! Sors de l’eau avant de te noyer. J’ai pas envie d’avoir un cadavre près de mon bateau » lançais-je à l’inconnu tout en jetant l’échelle menant à mon bateau.

☾ anesidora

Cette soirée de rêve se transformait en cauchemar et je devais à nouveau jouer les gardes du corps alors j’avais autre chose à faire. Ma conscience me rappela à l’ordre, m’indiquant que j’avais suffisamment commis d’horreur dans ma vie pour laisser passer un passage à tabac non loin de mon bateau. J’attrapais donc mon fusil à pompe pour faire reculer les agresseurs, des ivrognes fan de sport. Je lançais l’échelle à leur pauvre victime qui grimpa dans mon bateau. « En même temps, faut pas être très malin pour venir les chercher alors qu’ils sont bourrés comme des huitres » contrais-je en serrant la main de cet inconnu. « Je t’accorde l’asile sur mon bateau, le temps que tu sèches et qu’ils se fatiguent car je mettrais ma main à couper qu’ils t’attendent à la sortie de la marina » lui indiquais-je en lui faisant signe de me suivre jusqu’à la cabine où il pourrait se sécher et patienter. « Tu veux boire quelque chose ? » demandais-je en lui tournant le dos, trop occupé à lui dénicher une serviette histoire qu’il me trempe pas tout l’intérieur de mon bateau. Je me retournais enfin vers lui pour constater que l’inconnu que je venais de sauver, n’était pas si inconnu que ça. « Putain si j’avais su que c’était toi Maconahey, je t’aurais laissé te noyer » grommelais-je à l’intention du petit frère de mon meilleur ami. C’est pas que je l’aimais pas ; En fait, oui je l’aimais pas. Le courant n’était jamais passé entre ce petit branleur et moi.

☾ anesidora

Je n’avais pas encore conscience de l’identité de la personne que je venais de sauver mais si ça avait été le cas, je n’aurais pas été étonné que ce genre de connerie sorte de cette grande gueule. « Et ton instinct de survie ? Tu l’as jeté à la poubelle ? » lui demandais-je sans me retourner. Dans un sens, j’étais d’accord avec lui : il fallait être vraiment con pour prendre la mouche pour des conneries liées au sport. Je n’étais pas vraiment friand de ce genre de rencontre sportive, j’avais toujours été attiré par des sports plus « anonymes » des médias même si j’avais un goût prononcé pour les sports de combat. J’étais militaire, ça me parlait bien plus que des matchs de football. Il m’arrivait d’en regarder à la télévision ou même quand mon meilleur pote passait me voir mais c’était rare tout de même. J’attrapais deux bières et me retournait pour faire face à Malone, l’un des frères de Paris et pas forcément le plus intelligent du clan Maconahey. « Mon cul ! Un bon exorciste et tu serais allé faire chier quelqu’un d’autre. Puis te connaissant, je n’ai pas assez de nibard et trop de QI pour t’intéresser. Je te vois plutôt en un fantôme libidineux hantant un bar de striptease » rétorquais-je avec tout le mépris que je ressentais pour ce mec. Je n’avais jamais pu le sentir et ce n’était pas près de commencer. Il y avait quelque chose chez lui qui m’agaçait et je me demandais comment Paris pouvait supporter un pareil frangin. Enfin, mon meilleur ami avait beau aboyer, il ne mordait pas très souvent et dès qu’il s’agissait de sa famille, il se transformait en véritable chien de salon. « Maintenant je comprends mieux pourquoi ils avaient envie de te fracasser le crâne. C’est l’effet que tu produis dès que tu t’approches de quelqu’un »

☾ anesidora

Je me pinçais l’arrête du nez, en soufflant bruyamment avant de pincer mes lèvres en une fine ligne. Ce type était énervant, il ne pouvait pas l’encadrer et sûrement qu’un bon coup de pied dans le cul pour filer droit lui ferait du bien. Malone avait de la chance que mon amitié pour Paris m’empêche de le foutre dehors à la merci de ces soulards. « Je préfère être inintéressant à tes yeux et que d’avoir ton QI car je n’irais pas très loin » haussais-je les épaules en essayant de ne pas le tuer. Franchement, qu’est-ce qu’il était emmerdant ! En même temps, je devais reconnaître que je n’étais pas très objectif quand cela le concernait. Paris était trop gentil avec son petit frère. L’armée lui ferait du bien mais certainement que Malone n’avait pas envie d’exercer une profession qui demande de l’engagement et surtout qu’il se bouge le cul. « De nous deux, celui qui se prend pour le centre du monde, c’est bien toi. Remarque, je comprends tes amis. Ils n’ont pas besoin de s’apitoyer sur leurs échecs, ils n’ont qu’à regarder ta vie pour se sentir rassuré » répliquais-je en le toisant avec un sourire narquois. Je me tournais vers mon arme pour le ranger, préférant éviter que cet homme s’y cogne ou ne déclenche un tir involontaire à cause de sa propension à attirer les emmerdes.

☾ anesidora

Malone avait un défaut particulièrement agaçant à mes yeux : il faisait ressortir le pire en moi. En sa présence, je me comportais comme un gosse de cinq ans, bon qu’à envoyer des piques. C’était plus fort que moi, j’avais envie de le secouer dès qu’il me regardait ou qu’il ouvrait la bouche. « J’ai aucun problème à ce niveau-là mais sûrement je couche avec moins de nana que toi. Je suis un peu plus regardant que toi à ce niveau-là. C’est encore un miracle que tu n’aies pas de gosse caché ou une MST vu que tu ne sais pas garder ta queue dans ton pantalon plus de cinq minutes face à une nana » rétorquais-je en l’observant avec tout le mépris dont j’étais capable. C’était un peu fort de ma part de lui reprocher son caractère volage car je n’avais eu aucune relation suivie depuis mon divorce mais ça, il n’était pas utile qu’il le sache. Néanmoins, contrairement à lui, je n’étais pas contre le fait de m’engager à nouveau si une pauvre folle se portait volontaire. « Ma vie convient : j’ai un taf, je suis mon propre patron et je n’ai pas eu besoin d’avoir un grand-frère pour me payer un pub et me donner un boulot stable. Ah oui, même avec ça, tu ne réussis qu’à te foutre dans les emmerdes. Paris a bien du courage de continuer à vouloir faire de toi, un homme qui en vaille la peine. C’est pas faute de lui dire, d’abandonner les causes désespérées dans ton genre » lui dis-je en me détournant pour déboucher deux bières et la faire glisser sur la petite table. « Etrangle toi avec ! »

☾ anesidora