Rencontre inattendue ft. Malone

Un dernier regard hésitant à sa mère et le petit garçon sorti de la voiture, en direction de ce qui semblait être la maison de son père. Du moins, ça devait l’être, si sa maman ne s’était pas trompée d’adresse. Il avait eu beau la supplier du regard, insister pour qu’elle l’accompagne, s’il y avait un point qu’Ethan ne pouvait lui enlever, c’était le fait qu’elle était têtue. Très têtue. Et comme on dit, les chiens ne font pas des chats, mais contre elle, la bataille était toujours perdue d’avance. Du haut de ses huit ans, il ne faisait pas le poids et était toujours obligé de céder à ce qu’elle voulait. Et là, en l’occurrence, ce qu’elle voulait, c’était qu’il aille voir son père seul. C’est en prenant une profonde respiration pour se donner du courage qu’Ethan s’avança vers le portail pour l’ouvrir et se rendre jusqu’à la porte d’entrée où il indiqua son arrivée en appuyant sur la sonnette. A nouveau, il se tourna vers sa mère, et à peine avait-il croisé une dernière fois son regard que la porte devant lui commençait à s’ouvrir. C’est ce moment là que choisi sa mère pour remettre la voiture en marche et reprendre sa route. Elle qui n’avait jamais vraiment eu d’instinct maternel s’était tout de même assurée de ne pas laisser son fils seul devant une maison vide. Elle ne semblait cependant pas vouloir s’assurer qu’il soit entre de bonnes mains. Tout ce qui semblait compter pour elle, c’était qu’elle passe le relais. Tout simplement.

Machinalement, alors que la porte s’ouvrait de plus en plus, le petit garçon releva son regard, prêt à affronter l’adulte qui se trouvait devant lui. Si sa mère ne lui avait pas menti, son père était impatient de pouvoir passer du temps avec lui. Et même s’il ne connaissait pas ce dernier, ça avait le don de le rassurer un peu. Il y avait au moins un peu de positif dans le fait d’être seul dans cette ville qu’il ne connaissait pas. Il serait au moins avec son père. Serrant dans sa main droite la lettre que sa mère lui avait donnée, malgré son inquiétude, il adressa un sourire qui se voulait enjoué à l’adulte qui se trouvait face à lui et brisa d’une petite voix fluette le silence autour d’eux. « Salut. Maman m’a dit que tu voulais pas la voir. Mais elle m’a quand même donné ça pour toi… » Lui confia-il en lui donnant la lettre. Il préférait en être débarrassée le plus vite possible pour pouvoir se consacrer sur le court moment qu’il pourrait passer avec son père. Un après midi en huit ans, Ethan était certain que ça allait vite passer. Reprenant le silence, il observa le visage de son père sous les moindres coutures un petit moment avant de l’interroger à nouveau. « Pourquoi on rentre pas ? » Ethan ne comprenait pas trop, son père avait l'air surpris de le voir là. Pourtant, sa mère lui avait assuré qu'elle ne s'était pas trompée tout à l'heure. Il y avait même son nom sur la boîte aux lettres. Pourquoi donc restait-il pointé là,  alors qu'il ne faisait vraiment pas chaud dehors? Et pourquoi était-il en fauteuil roulant? Que s'était-il passé? Ca avait le don d'intriguer le petit garçon qui fronça les sourcils, curieux sur bien des points le concernant, préférant cependant garder le silence en attendant que l'adulte retrouve enfin ses esprits. Après tout, ils avaient tout l'après-midi pour discuter. Ethan aurait donc parfaitement le temps de lui poser toutes ses questions.

Ethan s’était souvent imaginé à quoi pouvait bien ressembler son père. Mais l’avoir devant lui, c’était toute autre chose : il ne ressemblait pas vraiment à ce qu’il avait imaginé. Mais le petit garçon n’en était pas mécontent, au contraire. Le plus important pour lui était de pouvoir enfin mettre un visage sur son père. Lorsqu’il songeait à lui, il voyait un homme plutôt grand et fort, comme son super héro préféré. La réalité était bien différente : il était assis là, dans ce fauteuil roulant, qui sait depuis combien de temps ? Cela ne l’empêchait pas cependant d’avoir toujours autant envie d’apprendre à le connaître. Lui qui racontait toujours à ses copains qu’il ne savait pas qui était son père, à présent, il pourra au moins ne plus se sentir différent. Et puis, si ça se trouvait, son père était un vrai héro. Il s’était peut-être retrouvé en fauteuil roulant parce qu’il avait sauvé quelqu’un. Du haut de ses huit ans, c’est ce que le petit garçon avait envie de croire. Et ce serait peut-être la version qu’il donnerait à ses futurs camarades de classe. C’est pas tout le monde qui peut prétendre que son père soit un héro. Lui en tout cas ne le connaissait que depuis pas même une minute qu’il avait déjà envie de l’idéaliser. « Euh… Elle s’appelle Erica et elle m’a expliqué qu’elle était amoureuse de toi quand t’es venu à New-York et après t’es parti et elle t’a plus revu, jusqu’à il y a trois jours où elle t’as parlé beaucoup sur l’ordinateur. Tu te rappelles ? » Ca lui semblait bizarre qu’il lui demande autant d’informations, d’autant plus que sa mère lui avait expliqué qu’ils avaient eu une très longue conversation tout les deux. Là, c’était comme si l’adulte face à lui tombait des nues. « Elle m’a dit que je pouvais venir te voir parce que t’étais d’accord que je vienne chez toi aujourd’hui. Mais je savais pas que t’habitais si loin de maman et moi. On a dû prendre l’avion pour venir jusqu’ici. » Cette pensée fit naître un large sourire sur les lèvres du petit garçon. Ca avait été la première fois qu’il prenait l’avion, la première fois qu’il voyait son père aussi. Et il était ravi pour tout ça. Il l’observait avec une petite lueur espiègle dans le regard, presqu’amusé de voir cet adulte si décontenancé devant lui. Lui aussi était pourtant intimidé de le voir face à lui, mais il ne pouvait s’empêcher de le trouver amusant d’avoir oublié qu’il devait justement le rencontrer aujourd’hui. Mais alors qu’il lui demandait de rentrer chez lui, le plus sérieusement du monde, le petit garçon effaça un peu son sourire et haussa légèrement les épaules. « Je peux pas rentrer chez moi tout de suite, maman m’a dit que tu me gardais toute l’après-midi… » Il commençait sérieusement à regretter que sa maman ne soit pas restée avec lui sur ce coup là. Son père était décidément bien étrange. A présent, il ne savait plus vraiment s’il devait se sentir rassuré ou pas. Mais comme chaque enfant qui se respecte, il laissa bien vite ses interrogations de coté pour laisser parler sa gourmandise. « C’est quoi que tu vas manger ? »

Pourquoi il niait tout ? Sa mère n’était tout de même pas une menteuse. Erica avait beau ne pas être une maman comme celles de ses camarades, mais ça n’empêchait pas qu’Ethan lui fasse entièrement confiance. Mais pouvait-il avoir confiance en l’homme qui se trouvait face à lui ? Il en était de moins en moins sûr. Si ça se trouve, ce n’était pas lui son père. Mais qu’est ce que cet adulte ferait chez Malone alors ? Ethan était complètement perplexe et bien décidé à essayer d’y voir plus clair dans tout ce casse-tête. « Tu t’appelles Malone ? Y’a ton nom sur la boîte aux lettres. Et maman m’a dit qu’elle avait discuté avec toi et que tu lui avais donné ton adresse pour qu’on se voit à 13h. Vous avez parlé jusqu’à trois heures du matin y’a deux jours, c’est maman qui me l’a dit. » En ce moment, Ethan aurait adoré pouvoir avoir un portable pour pouvoir appeler sa maman et lui demander de venir jusqu’ici. Mais elle avait toujours refusé de lui en offrir un, et en ce moment, il le regrettait amèrement. De tout évidence, son père n’était pas le moins du monde ravi de le voir ici et il ne s’en cachait pas. Ce qui laissait Ethan de plus en plus décontenancé au fur et à mesure de leur conversation. Il évitait de répondre, ne sachant plus trop où il en était dans tout ça et complètement dépassé par cette situation qu’il n’avait pas du tout prévue. Lui qui avait imaginé des retrouvailles joyeuses avec son père, là, c’était tout le contraire. Et alors que ce dernier l’interrogeait sur le pourquoi du comment de sa présence, le petit garçon décida de briser le silence pour lui annoncer la seule certitude qu’il possédait. « Ben parce que t’es mon papa. Voilà pourquoi elle m’a amené. Elle m’aurait pas laissé tout seul avec toi sinon. » Du moins, il l’espérait. Plus ça allait et moins il était sûr de rien. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il n’allait pas finir par se retrouver seul face à une porte fermée à attendre que sa mère vienne le reprendre, assis sur les marches de la maison, car sinon, son après-midi risquait d’être bien longue. En tout cas, puisque de toute évidence l’adulte ne voulait pas le garder, Ethan s’en remis à lui et brisa le silence à nouveau pour l’interroger, moins sûr de lui qu’il ne l’avait été auparavant. « Qu’est ce qui va arriver alors ? Je peux pas rester tout seul… » Non pas que ça le dérangeais, il savait se débrouiller pour son âge, mais cette ville, il ne la connaissait pas, cette maison non plus, cet adulte non plus… Et l’idée de rester tout seul ici ne le rassurait pas le moins du monde. Il ne pouvait qu’attendre qu’une solution que l’adulte lui trouverait car il savait bien que c’était les adultes qui décidaient tout dans ce monde, sa mère n’avait cessé de le lui répéter lorsqu’il voulait lui tenir tête. Mais alors que Malone s’apprêtait à lui fermer la porte au nez, le petit garçon profita qu’il s’était décalé pour se faufiler à l’intérieur de la maison et lui adressa un regard rempli de reproches en levant le ton. « Je t’ai dit que je pouvais pas !!! » C’était pas faute de lui avoir déjà dit en plus. A moins qu’il soit comme Dory et oublier tout dans les trente secondes. Ca expliquerait le pourquoi il avait oublié la conversation qu’il avait eue avec sa mère, le pourquoi il ne se rappelait pas de son prénom. Oui, ça devait être ça l’explication. Et conscient qu’il ne devait pas lui en vouloir d’avoir oublié, si c’était le cas, il reprit la parole d’une voix un peu plus posée. « T’as qu’à regarder la lettre que maman t’as donné, peut-être qu’elle t’a laissé son numéro pour que tu puisses l’appeler et lui demander de venir me chercher plus vite. Tu peux le faire, j’ai envie de rentrer à la maison de toute façon. Comme ça tu pourras aller faire tes affaires. » Ca serait sans doute mieux comme ça. Malone serait au moins tranquille et Ethan n’aurait plus l’impression de déranger et de subir sa mauvaise humeur. Doucement, il alla s’installer dans le canapé, un regard sur Malone, attendant qu’il appelle sa mère pour le sauver de cet endroit. « Toi et maman, vous êtes pareils. Toujours occupés de rouspéter. C’est nul. » Non, ce n’était pas un reproche, juste une constatation. Ils s’étaient décidément bien trouvé tout les deux. Et elle qui se plaignait que son fils avaient un sale caractère… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il avait de qui tenir.

Ethan n’était pas le genre de petit garçon à être facilement offusqué. Avec sa mère, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il avait été à bonne école : elle ne cherchait pas spécialement à être agréable avec lui généralement. C’est sans doute pour cela que le petit garçon avait très vite adopté un caractère très fort et qu’il ne se laissait pas atteindre si facilement. Même s’il était déçu que les choses n’aillent pas comme il les avait espérées, il se contentait d’observer l’adulte complètement impassible. Et immanquablement, inquiet par cette situation complètement imprévue que sa mère leur avait imposée à tout les deux visiblement. Son père lui non plus n’en menait pas large et intérieurement, le petit garçon s’en voulait d’avoir cru sa maman si facilement lorsqu’elle lui avait donné comme excuse que son père ne voulait pas la voir pour justifier qu’il devait aller sonner à sa porte tout seul. Il avait beau savoir jouer les grands et ne pas fondre en larmes facilement, ne pas être vulnérable comme la plupart des enfants de son âge, il avait été naïf sur ce coup là et il s’en voulait. Sa maman lui avait menti et il n’avait rien vu venir. Et ça, c’était complètement déstabilisant. Aussi déstabilisant que de se retrouver face à son père qui s’énervait alors qu’Ethan, lui, n’avait rien demandé. Troublé, le petit garçon avait préféré garder le silence, son attention fixée sur l’adulte, alors qu’il essayait de comprendre pourquoi elle leur avait fait ce sale tour à tout les deux. Il la revoyait encore lui dire avec un large sourire que son papa voulait le voir. Ce jour là, elle semblait si ravie pour lui. A y songer, elle ne s’était jamais encore adressée à lui avec un sourire aussi chaleureux, Ethan aurait dû y voir un signe. Mais ce n’était qu’un enfant, il y avait cru et avait plongé dans son piège à pieds joints. S’il ne l’avait pas crue, son père ne serait pas contrarié à l’heure qu’il était. « Pourquoi tu veux pas que je reste ? » C’est vrai, pourquoi ? Il pouvait lui faire la promesse d’être bien sage s’il voulait. Bien qu’Ethan ai son petit caractère, ce n’était pas vraiment un enfant compliqué et il pouvait largement montrer à son papa qu’il pouvait se débrouiller. Tout ce qu’il voulait, c’était être avec lui, rien de plus. Pourquoi c’était pas possible ? Immanquablement, le petit garçon en venait à se remettre en question. C’était peut-être de sa faute si son papa ne voulait pas le garder. Il allait l’interroger à ce sujet là lorsque son père insulta sa mère, les yeux rivés sur la lettre qu’elle lui avait écrite. « Tu peux pas dire ça, c’est pas joli. » Vivant avec elle, c’était un mot qu’il n’avait jamais entendu et dont il ignorait le sens, mais il se doutait que ce n’était pas affectif.  « Tu l’aimes plus maman ? » Sans doute que non, pour parler d’elle en termes si peu élogieux, mais quelque part, le petit garçon avait toujours pensé qu’il restait un petit quelque chose de leur histoire. En dehors de lui, évidemment. Tout en l’interrogeant, il se leva du canapé, prêt à suivre Malone où il jugerait bon de l’emmener. Intérieurement, il aurait préféré rester ici, craignant que sa mère revienne pendant qu'ils seraient encore partis, mais encore une fois, il ne voulait pas contrarier son père et garda ses impressions pour lui, comme il le lui avait demandé plus tôt. Ce qui ne l'empêcha pas de se montrer curieux à nouveau.«  Et après, on pourra rester tout les deux un petit peu? »

Les mots de Malone étaient difficiles à encaisser pour le petit garçon qu’il était. Entre le départ soudain de sa mère, les longues heures qui le séparaient de son retour et le comportement de son papa, Ethan se sentait complètement perdu. Perdu et quelque peu désemparé par tout ça. D’habitude, c’était un enfant plein de répartie, sociable à souhait et qui ne se séparait jamais vraiment de son sourire enjoué et de son petit air malicieux et espiègle mais là, son père n’aurait pas pu mieux s’y prendre pour le dévaster. Instinctivement, son regard fini par se baisser et il s’efforça de ne pas céder à la déception et la peine qu’il ressentait. Mais une chose était certaine, il n’osait plus vraiment regarder son père pour ne pas se trahir. Il savait que ce serait trop dur pour lui d’affronter une dernière fois son regard. Pourquoi ça avait dû se passer comme ça ? Pourquoi sa mère ne s’était jamais vraiment comportée comme une mère envers lui et que son père faisait pareil sans même chercher à le connaître. Ca le troublait vraiment. Qu’est ce qu’il avait bien pu faire pour mériter ça ? Il ne pouvait le dire. Mais il refusa de le demander. Là, tout ce qu’il aurait voulu, c’était disparaître, monter dans sa chambre et rester tout seul avec lui-même en attendant que ça passe. Mais il ne pouvait pas. Il était coincé ici avec son père. Plus pour longtemps cependant. « Je lui dirais pas ce que tu as dit, ça sera un secret. » Il en voulait à sa mère de lui avoir menti. Si pour son père elle était ce qu’il pensait d’elle, aux yeux d’Ethan, c’était une menteuse. Elle lui avait fait croire des choses sur son papa qu’il n’était pas prêt de lui pardonner. Et il ne comprenait pas pourquoi elle avait fait ça. Il en voulait aussi à son père, immanquablement pour tout ça, mais au moins, à défaut de pouvoir passer du temps avec lui comme il aurait aimé, il partagerait au moins un secret avec lui. C’était déjà ça. Hors de question pour lui de reprendre la défense de sa mère à nouveau. Ni même d’essayer de faire se rappeler son visage à son père. Il craignait de s’entendre dire que ce dernier n’en avait rien à foutre d’elle. Après tout, comme il le lui avait affirmé, il ne l’aimait pas. Et s’il n’aimait pas sa mère, il ne devait pas trop l’aimer lui non plus. Et ça, c’était clair dans son esprit. Il refusait même de passer du temps avec lui. Ca expliquait bien des choses. Et ça lui confirmait ce qu’il pensait tout bas. « Je vais devoir aller où ? » Il n’avait pu s’empêcher d’interroger son père d’une voix inquiète, alors qu’il le suivait en traînant un peu les pieds en direction de sa voiture. De New-York à ici, son périple semblait ne pas vouloir se terminer de si tôt. Il préféra monter à l’arrière et alors que sa mère devait toujours se battre avec lui pour qu’il accepte de mettre sa ceinture, en compagnie de son père, il le fit sans problème. Et alors qu’il s’attachait, il brisa à nouveau le silence qui les entourait. « Si je suis sage, tu veux pas changer d'avis? Comment maman elle va me trouver si je suis pas à la maison? »