Scène 4

Assise au bar après ma journée à retracer les derniers instants de ta vie, je bois à ta santé…enfin, si on peut dire les choses ainsi. C’est bête, mais toi et moi on n’a jamais eu l’occasion de venir ici pour boire un verre et discuter d’autres choses que du boulot. Mais je dois bien admettre que la fois où je t’ai raccompagné m’a permis d’en savoir beaucoup sur toi. Une chose est sûre, tu es bavarde, et en y repensant maintenant, je ne peux m’empêcher d’en rire bêtement. Tu as toujours une petite parole, un petit truc à dire, et je ne dis pas cela en voulant pointer du doigt un défaut bien au contraire ! Mais contrairement à toi, je pense que mon mutisme sur ma vie privée s’apparenterait à un silence de cathédrale !

Je bois une gorgée de mon breuvage en me demandant quand est-ce que tu auras le droit à ton silence, a ta paix. Si tant est que c’est que tu souhaites ?? Comment sera ton enterrement ? Voudrais-tu qu’on parle, discute, rit parfois pour faire comme si tu étais encore là ? ou…devrons-nous pleurer en silence pour ton départ précipité et ton injustice ? Quand j’y pense : la dernière fois que j’ai pleuré remonte à il y a quelques mois. Et c’est ici même dans ce bar d’ailleurs que j’ai craqué. Le jour « anniversaire » de la mort de mes parents…chaque année, c’est la même chose : je me sens mal, seule, je bois pour oublier, je viens à me coller au fond du bar à parler toute seule ou à mon reflet, comme je parlerais à un poisson rouge qui ne souviendrait ni de moi ni de cette conversation qu’on a tous les ans. Et à chaque fois, c’est ma meilleure amie qui vient me chercher, dans ce bar, à la même heure, et qui me rappelle que je ne suis pas seule. Une sorte de rituel silencieux entre elle et moi, et qui me fait la respecter encore plus. Et toi Angela ? C’était quand la dernière fois que tu as pleuré ?...