Une rencontre inattendu ~ Aiden Lanfair

Je n’aimais pas parler de mon passé non pas que j’en avais honte mais tout simplement parce que je détestais me dévoiler. Mon passé, ma vie privée m’appartenait et je n’avais aucun lien affectif avec cet homme. Il était mon client point barre. Enfin un client tout de même particuliers car je sentais qu’il était vraiment atteint par son propre passé. « Ne vous inquiétez pas pour mon passé, j’ai signé pour cela » haussais-je des épaules. Je savais qu’en m’engageant dans l’armée, je ne risquais pas de tomber dans le monde des bisounours. La violence avait fait partie de mon quotidien et je l’acceptais au moins en apparence. Les cauchemars qui me poursuivaient, eux, étaient bien réel mais avec une certaine dose d’alcool dans le sang, c’est fou comme ils avaient tendance à disparaitre. « Si vous avez besoin que je reste à votre domicile cette nuit, cela me dérange pas » rétorquais-je à Tyler. Cela me ferait des heures supplémentaires sans trop de prises de tête. Je n’allais pas cracher là-dessus. Seulement, au-delà de l’aspect financier, je sentais que cet homme se sentait seul.

Je le suivais en dehors des toilettes mais il allait vite, me prenant un peu de court. D’ordinaire, j’étais celui qui donnait le signal de départ et je sentais que Tyler et moi, allions devoir nous mettre d’accord sur bien des points pour que ce contrat se passe bien. Je le retrouvais dehors alors qu’une femme avait décidé de se jeter sur lui. Je ne voyais aucune menace de la part de la femme mais Tyler la repoussa un peu violement. Décidément, il n’aimait pas qu’on le touche ou qu’on l’approche de trop près. J’éloignais la femme en question en lui glissant quelques mots à l’oreille comme quoi, il fallait pas en vouloir à Tyler, dure soirée. La dernière chose dont il avait besoin, c’était bien qu’elle aille s’épancher sur l’épaule d’un journaliste. « Vous êtes beau gosse, acteur, supposé être riche… Elle a tenté sa chance ! » lui expliquais-je, un peu étonné qu’il ne le comprenne pas. Il ne pouvait tout de même pas être aussi innocent que ça ? ou plutôt naif ? J’avais beaucoup à apprendre sur mon client et sans le vouloir, je suivais son regard, constatant les « dégats ».   « Donnez moi vos clés de voiture, vous n’êtes pas en état de conduire et je parle de votre état psychologique » exigeais-je en tendant la main. Il valait mieux que je conduise pour m’assurer qu’il rentrerait en un seul morceau.

☾ anesidora

Trouver l’amour, je n’avais jamais songé à réellement refaire ma vie avec une autre femme après mon divorce. Je n’étais pas fermé mais je m’imaginais mal réussir à trouver une bonne femme qui accepterait de fréquenter un homme bien plus souvent en mer que sur la terre ferme sans compter mes dettes qui commençaient à s’accumuler. La clinique privée où j’y avais fait interner l’une de mes petites sœurs me prenaient pratiquement tout mon fric au point, où comme ce soir, j’avais été dans l’obligation de me glisser dans le costume du garde du corps. « Vous avez jamais songé aux rencontres sur internet ? Cela vous permettrait de discuter et d’apprendre à connaitre une personne avant de vous rencontrer en vrai » lui demandais-je à la fois curieux et un peu emmerdé. Je n’étais pas le genre de mec qui avait un conseil sur tout et n’importe quoi. La plupart du temps, je me contentais de la fermer et de laisser les autres parler jusqu’à ce qu’ils trouvent eux-mêmes leur solution miracle. Cela avait toujours fonctionné avec mon meilleur ami Paris. Ce dernier avait le chic pour s’encombrer l’esprit de conneries avant de trouver la réponse à ses questions. Bien sûr, il lui arrivait de ne pas trouver et dans ces moments-là je l’aidais tout comme il faisait de même avec moi. J’avais beau ne pas être un grand bavard, j’avais mon lot de casserole et j’étais heureux de trouver une oreille attentive de temps en temps. Une raison supplémentaire pour rester chez Tyler. Je sentais qu’il en avait gros sur le cœur.

Nous n’étions plus très loin de son domicile quand il se plia brusquement en deux. « Merde, qu’est-ce qui se passe encore ?! » lui demandais-je en jetant un coup d’œil dans mon rétroviseur avant de m’arrêter sur le bas-côté, en double file. Je me tournais vers lui pour poser une main sur son épaule. « Tyler ? Qu’est-ce que se passe ? Je dois vous amener à l’hosto ? » repris-je en essayant de comprendre ce qui lui arrivait. Il n’avait pas été frappé de la soirée donc ça ne pouvait pas venir de là. Empoisonnement ? Qui voudrait flinguer un acteur ? J’allais vraiment finir par croire que j’avais hérité du dossier le plus compliqué de ma carrière de garde du corps.

☾ anesidora

J’avais connu beaucoup de clients différents depuis que j’avais accepté de bosser pour cette agence de sécurité rapprochée de manière ponctuelle. Tyler était celui qui m’intriguait certainement le plus. Il y avait chez cet homme quelque chose de mystérieux mais également de fragile. Il me faisait penser parfois à un enfant. Ce n’était pas un reproche mais ouais, par moment, il me donnait l’impression de me retrouver face à un enfant voire un adolescent et c’était perturbant. Comment un mec comme lui, pouvait être un acteur reconnu ? Il était à cent lieues de l’image que je me faisais des acteurs mais ce n’était pas mon job de le juger ou de jouer les conseillers. Le miens, c’était de m’assurer qu’il rentrait chez lui en toute sécurité. « Okay rentrons » répondis-je en haussant les épaules. Il était le premier à savoir si son état nécessitait une hospitalisation mais je comptais tout de même le garder à l’œil. Je n’avais pas envie qu’il me claque entre les doigts. Je m’insérais à nouveau dans la faible circulation et quelques minutes plus tard, nous étions chez lui.

Je le suivais dans sa maison, observant la décoration mais surtout toutes les issues et autres fenêtres. C’était une vieille habitude que j’avais prise à l’armée : il fallait toujours que j’évalue mon environnement proche afin d’être prêt à la moindre situation qui n’allait pas. Tyler me laissa quelques minutes et je restais debout, les mains dans les poches de mon pantalon. Je n’étais plus vraiment habitué à foutre les pieds dans une maison, bien trop habitué à vivre sur l’eau. Mon client revenait et je l’observais à la dérobée. « Non merci ça va aller. Vous vous sentez mieux ? » lui demandais-je afin de m’assurer qu’il allait bien. Au bout d’un moment il se relevait et j’hochais la tête. « Bonne nuit » lui souhaitais-je. Une fois qu’il fut parti, j’observais le divan d’un œil morne. J’étais bon pour pioncer sur le divan. Je n’avais même pas pensé à lui demander une chambre ou même une couverture. En réalité, je prenais conscience que je m’étais habitué à vivre à la dure et à me contenter de ce que j’avais sous la main. Je m’asseyais donc sur le divan, patientant car le sommeil n’était pas prêt de me gagner avant quelques heures.

☾ anesidora

Après m’être assis sur le divan, j’attendais que le temps passe mais rapidement, la bougeotte me prit. Je détestais l’inactivité, j’avais l’impression à chaque fois de mourir à petit feu. Ma vie, je l’avais toujours vécu à cent à l’heure à l’armée mais depuis que je m’étais retiré du service actif, je n’arrivais pas à rester à la même place. Lors d’un conflit, il n’était jamais conseillé de stagner, il fallait toujours changer de position pour tromper l’ennemi. Cette bougeotte m’était resté. Il n’y avait bien que sur mon bateau que je conservais l’esprit serein même si de temps à autre, il m’arrivait de me réveiller d’un cauchemar. Les zones de guerre me poursuivaient jusqu’à dans mes rêves, me laissant épuisé au petit matin. Je ne m’en plaignais jamais car j’avais signé pour cette violence mais il est vrai que de temps en temps, j’aimerai pouvoir trouver un peu de paix. Je me levais donc pour me familiariser avec les lieux. Quelque chose me disait que ce client, j’allais le côtoyer plus que de raison. J’étais non loin de sa chambre quand je l’entendis hurler. Aussitôt je débarquais arme à la main dans la pièce pour me rendre compte qu’il avait fait un cauchemar. Je rangeais mon arme dans mon holster en détournant le regard pour lui laisser un peu d’intimité. « Personne faire des cauchemars » reconnus-je avant de me passer une main sur ma barbe de trois jours. Je ne savais pas quoi lui dire, toujours aussi déstabilisé par la fragilité de cet homme. Je n’étais pas le plus doué pour réconforter les gens. D’ordinaire quand mon meilleur ami allait mal, il me suffisait de lui proposer un combat pour le requinquer ou alors de l’amener boire un coup. Là, j’ignorais quoi faire. « Ce n’est pas à moi de vous juger Tyler mais vous feriez peut-être bien de vous confier à quelqu’un au lieu de subir votre passé. Je ne dis pas que ça arrangera les choses comme par magie mais peut-être que cela vous permettrait de souffler un peu »

☾ anesidora

J’étais planté debout au beau milieu de sa chambre, essayant de lui laisser toute l’intimité dont il était en droit de bénéficier. J’étais assez mal à l’aise avec Tyler même si, étrangement, je commençais à m’attacher à lui. Il y avait quelque chose de fragile chez cet homme et il me faisait un peu penser à ma petite sœur Maddie. Cette dernière se trouvait internée dans une clinique privée qui me coutait un bras. C’était d’ailleurs la raison de ma présence : le besoin d’argent. Sans cela, je n’aurais jamais pris ce deuxième boulot mais ma pension militaire ne couvrait pas tous les frais médicaux qu’engendrait la maladie de ma petite sœur. Tyler me faisait donc penser à elle pour ce côté fragile et un peu torturé. J’ignorais beaucoup de choses de lui mais je savais quand un homme était rongé par quelque chose. Or, vu ce qu’il m’avait dit concernant son ex-petite-amie, je me doutais que cet événement continuait de le hanter. « Je n’ai pas pour habitude de me mêler de la vie privée de mes clients mais vous me faites penser à quelqu’un « répondis-je avant qu’il ne jette un coup d’œil sur la place inoccupée de son lit. Je restais un peu con, ne m’attendant pas à ce qu’il me propose de finir la nuit dans son lit. Je n’étais pas franchement à l’aise avec l’idée mais quelque part, un lit était un lit et mon dos en apprécierait certainement le confort. « ça marche » marmonnais-je dans ma barbe tout en enlevant mes chaussures. Je détachais mon holster mais posais mon arme sur la table de nuit histoire de l’avoir à portée de main. Je vérifiais tout de même que la sécurité était enclenchée. Puis, je me glissais habillé dans les draps. « Vous feriez bien de dormir à présent. L’agence doit normalement vous envoyer un autre garde du corps. Je ne faisais que le remplacer ce soir » l’informais-je pour ne pas qu’il soit pris par surprise. Je sentais qu’il ne devait pas apprécier d’être pris au dépourvu.

☾ anesidora